Leçon 6Des destins dans la bataille

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Sans autre forme de procès

L’héroïsme peut prendre bien des formes : il y a ceux qui se battent jusqu’à la mort, mais aussi ceux qui prennent des décisions courageuses pour sauver leurs hommes.


La nuit du 8 au 9 juin 1916, les deux sous-lieutenants Herduin et Millant, écrasés par l’avancée allemande, ordonnent la retraite de leurs compagnies à court de munitions et se dirigent sur Verdun. De retour sur le champ de bataille deux jours plus tard, ils sont arrêtés pour abandon de poste. Ils sont immédiatement fusillés à Fleury… sans jugement ni enquête.

Monument dédié aux sous-lieutenants Herduinet Millant érigé à Fleury-devant-Douaumont,

2008, sculpture de Paul Flickinger. Photo : monumentsmorts.univ-lille.fr

Après la guerre, la veuve Fernande Herduin interpelle la Ligue des Droits de l’Homme. L’État est alors obligé de reconnaître les faits et réhabilite leurs deux noms en 1926.

Ma petite femme adorée,

Nous avons, comme je te l’ai dit, subi un grave échec : tout mon bataillon a été pris par les Boches, sauf moi et quelques hommes, et, maintenant, on me reproche d’en être sorti ; j’ai eu tort de ne pas me laisser prendre également. Maintenant, le colonel Bernard nous traite de lâches, les deux officiers qui restent, comme si, à trente ou quarante hommes, nous pouvions tenir comme huit cents.

Enfin, je subis le sort, je n’ai aucune honte, mes camarades, qui me connaissent, savent que je n’étais pas un lâche. Mais avant de mourir, ma bonne Fernande, je pense à toi et à mon Luc. Réclame ma pension, tu y as droit. J’ai ma conscience tranquille, je veux mourir en commandant le peloton d’exécution devant mes hommes qui pleurent.

Je t’embrasse pour la dernière fois comme un fou. Crie, après ma mort, contre la justice militaire. Les chefs cherchent toujours des responsables. Ils en trouvent pour se dégager. […] Dire que c’est la dernière fois que je t’écris. Oh ! mon bel ange, sois courageuse, pense à moi, et je te donne mon dernier et éternel baiser.

Ma main est ferme et je meurs la conscience tranquille.

Adieu, je t’aime.

Sous-lieutenant Henri Herduin
Les sous-lieutenants Herduin et Millant, fusillés pour avoir voulu protéger leurs hommes, sont devenus des symboles de l’injustice du commandement militaire.